Report des loyers et charges : un souhait présidentiel mais un leurre législatif ?

L’article 11 de la Loi d’urgence 2020-290 du 23 mars 2020, permet le report intégral ou l’étalement des loyers afférents aux locaux professionnels et commerciaux au bénéfice des microentreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie. Tout le monde y croyait.

L’Ordonnance prise à cette fin, 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des factures de loyers, eau, gaz et électricité précise le champ d’application . Déjà un doute s’est installé sur le fait de savoir s’il fallait pour bénéficier des mesures, être éligible au fonds de solidarité, ce qui réduit considérablement le champ; puis sur le fait de savoir s’il s’agissait de bénéficier d’un report de loyers et charges ou simplement d’échapper aux sanctions relatives au défaut de paiement de ceux ci.

Le Décret 2020-378 est venu éclaircir cette contradiction entre la Loi et l’Ordonnance quant au champ d’application de la mesure; décret qu’il faut également combiner avec le décret 2020-371 relatif au fonds de solidarité, ce qui réduit la promesse présidentielle de report des loyers et charges, à une peau de chagrin.

Ainsi à ce jour, la combinaison de tous ces textes permet de dire que ( toutes les conditions étant cumulatives) :

– les personnes physiques et morales de droit privé ( donc tous les indépendants personnes physiques et toutes les formes de sociétés )

– exerçant une activité économique

– qui occupent moins de 10 personnes

– qui ont un chiffre d’affaire constaté lors du dernier exercice inférieur ou égal à 1 million d’euros

– qui sont particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales du COVID 19,

– qui ont un bénéfice imposable inférieur ou égal à 60 000 euros

peuvent, selon la Loi 2020-290, demander à leur bailleur commercial ou professionnel soit un report intégral soit un étalement des loyers et charges dont l’échéance de paiement est comprise entre le 12 mars 2020 et le 24 juillet 2020 ( en l’état à ce jour du texte qui prévoit la fin de l’état d’urgence au 24 mai 2020).
Mais ces personnes physiques ou morales, selon l’Ordonnance 2020-316, ne peuvent en réalité pas contraindre le bailleur à accepter cette demande. Ils sont juste garantis de ne pas subir de pénalités, intérêts de retard, clause résolutoire etc…en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leur locaux professionnels ou commerciaux sur cette période. Pour échapper à ces sanctions, elles doivent cependant, selon le décret 2020-378 , produire une déclaration sur l’honneur et justifier du dépôt d’une demande d’éligibilité au fonds de solidarité.

Il convient donc, plutôt que d’assécher les trésoreries, que les entreprises qui se trouvent dans les conditions précitées, demandent à leur bailleur un report ou un étalement, à leur convenance, soit de leurs loyers et charges trimestriels payables à terme échus au 31 mars et au 30 juin 2020, soit de leurs loyers et charges trimestriels payables à terme à échoir au 1er avril et 1er juillet 2020. Cela permettra au moins la discussion en fonction également des besoins du bailleur.

En cas de refus du bailleur ( l’usage étant d’accéder autant que faire se peut ), et dans le cas ou le loyer ne pourrait absolument pas être réglé, pour éviter les sanctions, il faut cependant faire une demande au fonds de solidarité.

Selon les mêmes critères que précédemment, ce fonds permet de demander une subvention de 1500 euros à la condition de justifier une perte de chiffre d ‘affaire d’au moins 70% durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et 31 mars 2020 ( puis en avril …) .Selon les déclarations de Bruno Lemaire ce seuil sera abaissé à 50 %.

On ne peut pas croire, en cette période, que le cumul des textes, au risque de leur contradiction, puisse être un encouragement à ne pas payer les loyers et charges aux motifs, sous la réserve de remplir les conditions imposées par le bénéfice du fonds de solidarité, de n’être soumis à aucune pénalité !

Encore une fois il faut compter sur une solidarité nationale et sur une bonne intelligence preneurs / bailleurs pour qu’ils trouvent le bon équilibre, ce que beaucoup, sur la base des premières déclarations présidentielles , ont déjà trouvé, y compris chez les moyennes et grosses entreprises.

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